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Le phosphore et l'os : Une alliance pour une gestion durable du minéral en élevage porcin

Auteurs : Julien Heurtault, Guy Maïkoff, Patrick Schlegel et Marie-Pierre Létourneau-Montminy, Agroscope (Suisse), Université Laval (Québec)

Article publié dans Porc Québec, Juin 2024, Volume 35, Page 45 et 45


Au Québec, le Règlement sur les exploitations agricoles (REA) oblige les éleveurs et éleveuses de porcs à équilibrer les niveaux de phosphore dans leurs exploitations, ce qui peut être un vrai casse-tête dans certaines régions. De l’autre côté de l’atlantique, en Suisse, c’est la même histoire : de nouvelles règles visent à équilibrer d’avantage le bilan du phosphore en agriculture. Un projet de recherche suissocanadien étudie le sujet.


Le phosphore est essentiel pour la santé des porcs, mais il peut aussi être nocif pour l’environnement, surtout quand il y en a trop dans les engrais utilisés dans les fermes. En Suisse, d’ici 2030, il faudra réduire de 20 % les surplus de phosphore dans l’agriculture par rapport à ce qu’on utilisait en moyenne entre 2014 et 2016. Cela devra se faire directement dans les fermes. C’est pourquoi la fi lière porcine cherche des moyens de réduire les surplus de phosphore. Elle peut le faire en réduisant les quantités de phosphates importées pour l’alimentation des porcs et en s’assurant que la nourriture donnée aux animaux contient juste ce qu’il faut de phosphore, pas plus pas moins.


Besoin en phosphore de la truie

Dans ce projet, une équipe internationale de chercheurs d’Agroscope et de l’Université Laval se penche sur le phosphore, dont les truies ont besoin, celui qui est digestible. En gros, ce phosphore est nécessaire pour tout, de la structure du corps, de la croissance des os, jusqu’à permettre le développement des petits pendant la gestation et la lactation.


À l’heure actuelle, on pense que le seul moyen pour les truies de se procurer ce phosphore, c’est par leur nourriture. Est-ce vraiment le cas? Pour comprendre, il faut prendre l’exemple de l’énergie. Quand une truie a besoin d’énergie, elle peut puiser dans son alimentation, mais aussi dans ses réserves corporelles, comme le gras. Est-ce pareil pour le phosphore?


Pour y voir plus clair, les chercheurs ont eu recours à un outil, couramment utilisé en médecine humaine pour les diagnostiques d’ostéoporose, pour numériser (scanner) les truies et voir comment leur réserve corporelle changeait au fil du temps, notamment sur le plan des os. Sur le site d’Agroscope de Posieux, un scanner à double rayon X médical a été adapté pour permettre la numérisation (scan) de truies. Les chercheurs ont suivi 24 truies pendant une lactation, suivie d’une gestation. Durant la lactation, elles ont reçu différentes quantités de phosphore dans leur nourriture, pour simuler des niveaux différents de manque de phosphore. Durant la gestation, elles ont reçu un aliment apportant les nutriments selon les recommandations européennes habituelles.



Les os tels un puits à phosphore

Ce qu’ils ont découvert, c’est que pendant la lactation, les truies pouvaient puiser du phosphore dans leurs os pour en donner suffi samment à leurs petits par le lait, même si elles ne recevaient que la moitié de ce qu’on leur donne normalement. Au début de la gestation suivante, quand elles avaient moins besoin de phosphore, leurs os ont pu se reminéraliser. Avec ce type de stratégie alimentaire durant la lactation, les chercheurs ont réussi à réduire de 75 % l’utilisation de phosphates, une ressource non renouvelable, et de 40 % les rejets de phosphore. Cela donne de l’espoir pour revoir comment on calcule les besoins en phosphore des truies et pour émettre de nouvelles recommandations. Les chercheurs continuent de travailler pour confirmer ces résultats, de façon à voir si cela fonctionne aussi avec les truies qui ont déjà eu des petits et vérifi er les effets sur plusieurs lactations.


Travaux de recherche actuels

Le groupe de recherche porcine d’Agroscope se penche sur les problèmes environnementaux liés au phosphore et à l’azote, tout en se concentrant sur l’alimentation des porcs. Les chercheurs mènent des expériences pour comprendre comment l’alimentation des truies pendant la période, avant et après la naissance affecte le développement des porcelets. Par exemple, ils examinent comment les fibres dans l’alimentation de la truie peuvent influencer la qualité du premier lait, appelé colostrum. Ils cherchent également à inclure davantage de sous-produits ou de déchets de biscuits dans l’alimentation des porcs et des truies pour réduire la concurrence entre l’alimentation animale et l’alimentation humaine. Ces sujets sont également étudiés par des chercheurs de l’Université Laval au Québec. Cette collaboration Suisse-Québec permettra d’unir les forces.

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