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Utilisation d’une nouvelle technologie génomique pour lutter contre le virus du SRRP

Une maladie est souvent perçue comme la résultante d’une seule cause et dans le cas des maladies infectieuses, on s’attend donc à ce qu’un seul agent infectieux ou microbe en soit la cause. Or, puisque l’environnement dans lequel nous évoluons est plus complexe et diversifié, notamment en termes de composition microbienne, il est attendu que la cause d’une maladie infectieuse puisse découler de l’interaction de plusieurs microbes pathogènes. Grâce à l’évolution des technologies d’analyse biologique, il a été démontré depuis plus de 15 ans que dans les élevages porcins, les infections respiratoires sont généralement des coïnfections (i.e. une infection avec différents microbes) plutôt que des infections par un seul microbe. Par exemple, un porc peut avoir des lésions pulmonaires dues à un virus et à une bactérie, ou à deux virus différents. On comprend que cette notion a des répercussions sur les méthodes de lutte et prévention des infections. En effet, il devient important pour les chercheurs de vérifier si les dommages sont causés simultanément ou en parallèle par les divers microbes, ou si un premier microbe attaque ou affaiblit les défenses des porcs ouvrant la voie à un second microbe. Le choix des stratégies médicales en sera alors modulé.

De plus, une autre répercussion de ce concept de coinfection concerne directement le diagnostic. Au regard des symptômes et lésions des porcs, le vétérinaire demande des tests diagnostiques en ciblant un ou des microbes spécifiques à détecter. Cependant, les tests de diagnostic moléculaire sont développés en fonction des technologies biologiques et informatiques disponibles, de la meilleure rapidité d’obtention du résultat et d’un coût abordable. Et tout comme les microbes que nous combattons, les technologies et les connaissances évoluent. Les nouvelles plateformes de séquençage de génome microbien complet (ou de séquençage à haut débit) à faible coût commencent à s’implanter en diagnostic vétérinaire et apportent de nouveaux résultats.

Notamment pour le virus du syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP), le consensus scientifique de diagnostic pour la surveillance de ce virus cible un unique gène de ce virus pour discriminer le virus de type vaccinal (considéré non pathogène) du virus de type sauvage (souvent pathogène). Bref, le diagnostic se fait sur une petite portion du génome du virus amplifié par PCR (ce qui représente environ 4% du génome entier du virus), et pas sur le séquençage complet du génome. Désormais, le séquençage du génome complet viral est devenu rapide et abordable.


À titre d’exemple, il a fallu 13 ans (1990-2003) pour séquencer le génome humain (qui est 200 000 fois plus grand que celui du virus SRRP) en coordonnant un effort international à 2.7 milliards de $ avec les anciennes technologies, alors qu’aujourd’hui cela ne prendrait que quelques jours à un seul laboratoire bien équipé.


L’équipe du Dr Carl A. Gagnon, chercheur du CRIPA à l’Université de Montréal, a donc fait réanalyser par Christian Lalonde, étudiant au Doctorat, des échantillons cliniques conservés dans les congélateurs du Service de diagnostic de la Faculté de médecine vétérinaire qui avait été diagnostiqués positifs pour le virus SRRP et environ 5.5% des anciens échantillons, ont alors révélé que les porcs atteints n’étaient pas atteint par 1 mais bien 2 souches différentes du virus SRRP, c.-à-d. une coïnfection. Dans certains cas, on y trouvait à la fois un virus de type vaccinal et un virus de type sauvage. Quels sont les effets d’une telle coinfection? On ne le sait pas.


Mais il y a une découverte plus fascinante encore. Le séquençage complet a mis en lumière que certains des virus n’étaient en réalité pas les virus vaccinaux comme précédemment diagnostiqués. Les biologistes savent que le génome des êtres vivants est modifiable sous certaines conditions. Par exemple, si deux virus arrivaient à infecter un même animal, ces deux virus pourraient alors transformer leur génome en remplaçant certains gènes avec ceux de l’autre virus. Dans le cas présent, le virus SRRP possédait un gène d’une souche vaccinale, mais le reste de son génome était composé d’un virus SRRP potentiellement pathogène. Il s’agit alors d’un virus recombinant. Cela veut dire que l’ancien test qui analysait seulement un gène, dans ce cas-ci vaccinal, laissait croire que le troupeau était vacciné ce qui conduisait le vétérinaire à exclure, peut-être à tort, le virus SRRP comme agent causant les problèmes pulmonaires. Ces virus recombinants représentent, pour le moment, environs 5.5% des virus séquencés. Donc au total, dans les congélateurs du Service de diagnostic, si nous tenons compte des coïnfections et des virus recombinants, la classification dans environ 11% des cas de virus SRRP a été amélioré significativement avec la nouvelle méthode de séquençage du génome entier.

Dernier résultat important découlant du séquençage du génome : contrairement avec les données issues des anciens tests, il apparait clairement que les virus SRRP infectant le cheptel québécois ont évolué génétiquement durant les dernières années afin d’être plus différents des virus vaccinaux. On remarque même que cette évolution tend vers une direction commune des nouveaux virus qui est diamétralement opposée à celle des virus vaccinaux. L’impact de cette évolution génétique n’est pas encore connu.

En résumé, les points forts à retenir de cette étude sont : que le séquençage du génome complet améliore dans 11% des cas les résultats qui ont été obtenus avec l’ancienne méthode de classification des souches du virus SRRP. De plus, le séquençage du génome complet assure un suivi plus étroit de l’évolution des infections dans un cheptel (coïnfections) et est supérieur pour valider la présence d’une souche vaccinale dans un porc.


Source : Conférence du 12 mars 2018, Café CRIPA, Génome complet du virus SRRP : surprises dans les échantillons cliniques, C. Lalonde, C. Provost et C.A. Gagnon.


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