Campylobacter...un nouveau voisin au sein du microbiome!
Tout amateur de bonne chair et éleveur souhaite un poulet en chair et sain. Or, une bactérie sournoise, Campylobacter, apprécie de vivre dans le volatile.
Si l’oiseau s’en accommode, c’est malheureusement souvent le cas, cela peut mal tourner pour l'amateur de poulet!
Celui-ci pourrait être gratifié d’une intoxication alimentaire après dégustation. L’industrie et les chercheurs sont donc à l’affût de toute innovation pour diminuer, voir empêcher ce microbe de s’installer chez la volaille.
Les microbes vivent dans la nature et à l’intérieur même des animaux. Ils vivent et se réunissent dans des lieux propices à leurs besoins, constituant une population complexe avec d’autres microbes. Ainsi, il y a les microbes natifs de la place (toujours retrouvés chez tous les poulets), les nouveaux arrivants (qui ne s’installent que s’ils entrent dans l’oiseau) et les microbes touristes plus ou moins turbulents (ceux en transit). On dénomme une telle population : le microbiote.
Pour analyser le microbiote digestif, les chercheurs utilisent actuellement une méthode indirecte : ils font un recensement des séquences ADN du système digestif. Comme on ne sait toujours pas cultiver certaines bactéries, il nous est impossible de les isoler et de les dénombrer directement. Par contre, les chercheurs savent détecter et analyser leur ADN. Or, les séquences d’ADN c’est un peu comme des numéros de passeports spécifiques à des types précis de microorganismes. On peut alors compter le nombre de passeports différents et ainsi avoir un portrait du bagage génétique de la population, aussi appelé le microbiome. Il faut noter que le microbiome peut être spécifique à une région (buccal, digestif, cutané, etc.) et est spécifique à un animal donné (chien, poulet, porc, humain, etc.). De plus, le microbiome évolue au cours du temps et peut être bouleversé, pour le meilleur ou pour le pire, par la maladie, l’alimentation ou le stress par exemple.
Or le microbiome apparait comme le nouveau concept incontournable pour la médecine de demain, tant animale qu’humaine. Chez l’humain, le contrôler permettrait de guérir l’obésité, de réduire les allergies alimentaires ou même d’aller jusqu’à atténuer le développement du trouble du spectre de l'autisme (TSA). Chez les animaux, on parle de meilleures résistances aux maladies et de performances de croissance plus accrues et plus stables pour permettre à l’agriculture d’offrir au consommateur des produits hautement sécuritaires, faits dans les plus hauts standards de qualité et tout cela à un prix raisonnable.
Cependant, les promesses sont actuellement à la hauteur du manque de données et de la rareté des applications testées et éprouvées. La patience et des travaux scientifiques plus poussés sont donc requis. Ainsi, plusieurs équipes de recherche ont identifié des microbiomes spécifiques qui sont associés au niveau de bien-être des animaux. De nombreux additifs alimentaires qui pourraient d’orienter bénéfiquement le microbiome vers cet objectif santé sont actuellement développés.
Revenons maintenant plus précisément à notre Campylobacter. On ne savait pas si et comment l’implantation de Campylobacter, dans un poulet affecte son microbiome intestinal. C’est justement ce qu’a investigué l’équipe de la Chaire de recherche en salubrité des viandes (CRSV) de l’Université de Montréal, composée de Alexandre Thibodeau, Philippe Fravalo et Ann Letellier. Pour cela, ils se sont associés à l’épidémiologiste Julie Arsenault (Université de Montréal) et à Étienne Yergeau (National Research Council of Canada) expert en analyse du microbiome. Résultat : la diversité des communautés habitant le caecum des oiseaux est globalement inchangée par l’arrivée de Campylobacter, mais de rares relations de voisinage peuvent être perturbées et même aller jusqu’à forcer certains membres à déménager. Bref, Campylobacter est un nouvel arrivant avec lequel quelques membres du microbiote caecal du poulet ne font pas bon voisinage tandis que d’autres semblent même favoriser son implantation. Ces travaux présentent donc le portrait du microbiome aviaire colonisé par Campylobacter et vont servir de référence aux chercheurs pour tester toute innovation cherchant à diminuer la contamination des poulets par cette bactérie.